Interview portrait de Mathias Malzieu par Gregory Rocher & photos par Frédéric Bertrand
J’ai écrit une première version du livre sans les chats qui s’intitulait « Réparer l’enfant » en deux chapitres : un sur notre vie de couple et le second avec notre enfant. Cela a été un bon exutoire mais trop victimaire et pas éditable. C’est en observant alors notre chat June, qui croquait un bout de livre dans le hamac, que j’ai commencé à noter quelques idées en me disant qu’en mangeant des livres, mon chat se conscientise et que de le voir ainsi me faisait du bien. Nous avons eu notre second chat Tornado qui est tombé malade au bout de trois mois. Je me suis alors mis à écrire du point de vue des deux chats. La maladie de Tornado était à la fois une angoisse terrible mais cela permettait de ne pas me focaliser sur notre problématique. La dynamique de vouloir le sauver m’a donné l’idée d’écrire le journal de mes chats et en y apportant des références musicales. Je voulais être à la fois sur des madeleines de Proust comme Johnny Cash ou les Doors mais en même temps sur des plaisirs semi coupables comme Claude François. La fonction narrative du livre avec une idée de comédie musicale m’a donné l’envie de pouvoir le mettre en scène. Ce fut trois années de travail pour aboutir à ce conte musical.
Je ne voulais pas que cela soit un prétexte à chanter mais comme une sorte de kaléidoscope de l’histoire. Mon premier choix s’est vite porté sur « The End » des Doors du fait que notre chat allait peut-être mourir. Puis est venu l’idée de « Magnolias for ever » sous forme de duo entre June et Tornado pour remonter le moral de la belle griffue. Cela fait référence à ma rencontre avec Daria, égérie photo, au café Les Deux Magots, lieu parisien que côtoyait Boris Vian pour qui j’ai été le parrain pour son centenaire. Nous avons fait connaissance en évoquant nos goûts musicaux à travers des artistes comme Gainsbourg, Bashung ou Claude François. Cette chanson en duo avec ma femme a pris alors un sens différent et c’est cela qui m’a intéressé dans le contexte de cette histoire.
Je suis allé chercher des chansons comme « Bad Romance » de Lady Gaga avec cette fonction de sonnerie de téléphone. « Le Petit Cheval blanc » avait cette notion d’ambiguïté annonçant une mauvaise nouvelle avec le cœur du chat malade et le choix de « West Side Story » pour le côté comédie musicale mélangeant ainsi le réel et l’imaginaire.
Je me sens être humain et raconteur d’histoires. J’ai une gourmandise et un appétit de vie qui se sont décuplés depuis que l’on m’a sauvé la vie il y a une dizaine d’années.
J’aime faire des liens et que cela m’amuse comme une chasse au trésor, un jeu de pistes où les gens choisissent entre le livre, le spectacle ou l’album. Ce sont des propositions et j’aime pouvoir ouvrir ce jeu à ceux qui me lisent, qui m’écoutent ou qui viennent me voir en concert.
Oui dans une certaine mesure puisque tu transformes quelque chose sous forme artistique. Il ne faut pas que cela ne fasse que du bien pour uniquement le faire publier. Il y avait une forme intéressante et je voulais la défendre en le proposant en livre et en disque. Mais écrire et lire ne solutionnent pas tout c’est juste un apaisement et une amélioration dans ma vie de tous les jours.
En écrivant du point de vue du chat, c’est comme si je me mettais un masque. Et qu’à un moment du spectacle, il fallait que je puisse le retirer symboliquement et que ces personnages te disent de revenir dans le monde du réel. L’idée du masque est le principe de la comédia del arte où l’on met un masque pour se cacher mais aussi pour se révéler encore plus. Je raconte mieux ainsi le point de vue des chats avec ce costume de scène.
Il y a en plein. Je dirai 2016 avec « les rockeurs ont du cœur » à Stereolux en compagnie du groupe nantais nazairien Ko Ko Mo. Ce fut un super souvenir car à chaque fois que l’on vient dans le 44, il y a une histoire notamment avec Nantes : les Rabbits nous avaient invité pour assurer leur première partie à l’Olympic, ancienne salle de concert à Chantenay. Pour les 30 ans de Dionysos, on avait invité Manue du groupe Dolly à chanter un titre au Zénith. La région nantaise a un vivier d’artistes tels Philippe Katerine ou Dominique A qui sont des amis. On est content de venir là pour le côté rock mais aussi se rendre au salon littéraire de Montaigu ou à la librairie Coiffard à Nantes. Ce sont de jolis repères bien agréables pour revenir dans cette région.
Oui car j’ai beaucoup travaillé le spectacle en Islande. Comme le soleil se levait vers 11h30 et se couchait vers 15h30, je me levais vers 8h et je travaillais sur les chansons et j’apprenais par cœur, première fois que je faisais ça, le texte narratif du spectacle. J’avais déjà écrit le spectacle avant Noël mais pour mes techniciens je devais travailler sur le séquençage. A la tombée de la nuit, je travaillais sur mon nouveau livre et des nouvelles chansons. Le soir, j’allais voir des groupes pour me nourrir musicalement notamment grâce à Bardi Jóhannsson qui a travaillé avec des groupes comme Sigur Rós.
J’adore ça, c’est organique. La meilleure manière de respecter le public c’est de ne surtout pas penser à eux quand je suis dans ma phase de création, je dois être le plus sincère possible et me donner généreusement. Il faut avoir l’humilité d’accepter que cela puisse moins marcher et continuer à avancer ainsi par passion. J’essaye d’être le plus possible en phase avec mon désir de pouvoir partager cette passion avec mon public.
Je ne sais pas quand le nouvel album sortira mais j’ai déjà écrit 3 chansons. Je ne me suis pas encore plongé dans le bain révélateur du groupe. J’ai plein d’idées qui me viennent mais on prend le temps. On a tous des vies à côté, Babet a entamé sa tournée. Il faut que cela reste une envie, un désir. Le groupe a 32 ans d’existence, c’est une expérience humaine et artistique folle. Il faut continuer de la respecter joyeusement.